Je deviens vieux…
Je deviens vieux, à force d’inonder mes lignes ; 36 pages de questions sans réponses ; 1800 lignes ternes et rien de plus à dire. Je deviens vieux, à force de voir tous ces mêmes syntagmes sans virgules et toutes ces lignes sans fin. Vieux, ivre de mon âge, abattu par le temps qui passe ; et quand je ferme les yeux c’est toujours le même refrain. Vieux ; parce que je ronge mon frein et parce que c’est dans l’attente que tout se perds. Vieux du Lundi au Dimanche, vieux, quand j’essaie ; vieux.
Des décisions et des dés que je jette ; des débuts pour des défaites et des débris pour mes dédains, dame de mes dérisions. Je deviens vieux, trop vite et trop de fois. Et trop de temps, passé à vider mon encre et trop de tentatives vaines quand je jette mon ancre. Vieux car trop patient et quand mes points se perdent ; ce sont mes virgules que je ramasse. Et quand demain sera hier, peut-être que je comprendrais un tout petit peu mieux le temps qui passe : des esquisses pour tous ces litres coulés sous les ponts, des indécisions pour toutes ces pleines lunes et des craintes pour des heures d’un sommeil sans fin.
Je deviens vieux trop de fois, enfin, du moins j’essaie. Quand j’y dépose entre mes lignes toutes les phrases que je n’ai pas su dire ; et entre mes vers vains toutes les lignes que je n’ai pas su rire. Vie sous le poids de mes propres mots, dislocations de pensées troubles et meurtrissures à fleur de peau.
Trop vieux, après des secondes qui deviennent des minutes, des heures qui deviennent des jours et des semaines qui deviennent des années, trop vieux pour tout ce qui ne sera jamais assez. Trop vieux comme si j’avais vécu dix mille vies mais témoin du temps qui passe. Pour ces éloquents silences, adoubements de mes phrases sans nom.
Trois points qui se suspendent et trois points qui se perdent, c’est l’érosion de mes contradictions qui ne laisse que 36 pages de questions sans réponses ; 1800 lignes ternes sans rien de plus à dire…