Le passager annonce, et laisse l’existence s’entrevoir entre deux arrêts. Cette dernière se déploie, mais toujours quelque peu discrète ; on ne saurait lui reprocher quoi ce que soit. Lorsque les portes du temps s’entrouvrent, un monde nouveau se déploie, un monde qui s’apprécie pour ce qu’il est. Et à défaut, on ne pourrait demander au passager de changer de direction.
Quel monde, pour celui ayant plus d’une paire d’yeux ? Fantasmes de roues libres de tout attache, libération du mot et des émois ; en prise d’une dimensionnalité nouvelle, aux confins d’une contingence comme seuls les mots vrais savent le faire.
Lorsque le passager avance, il laisse sur son chemin des empreintes, faites d’une histoire, que chacun saisit lorsque ces mêmes passages sont empruntés. Et pour ceux ne pouvant voir l’ouverture, c’est un étrange appareil du doute et de la désintégration qui apparaît. Passager, survolant dunes et rivières, mais discrètement, sans se montrer, sans s’avoir et sans se savoir.
Le passage annonce le passager, et les portes qu’il ouvre ne font qu’en fermer d’autres. Lorsque le temps avance à toute vitesse, l’espace que la porte laisse nous dépasse. Avoir le choix, pour le passager, de ne pas entrouvrir des portes à jamais scellées, tel est son doute. Tout s’entretient et tout se manifeste, ce qui disparaît réapparaît : désormais, il ne fait plus aucun doute.
Le temps s’efface et tout recommence pour le passager.
Mais point de retard, plutôt l’envie de voir défiler des siècles qui mettront des heures à devenir des secondes ; si ce qui se manque se vit, ce qui s’apprécie s’envie. La refonte des trois éléments que le passager possède : sa montre, un pied à terre, et son passage.
Le passager évolue dans le passage, disparaît, et réapparaît, point de secrets, plus que le sacré c’est le discret qui avance, rien ne dévolue sans que le passage n’y ait laissé sa signature. Et si le temps l’efface, sa trace se laisse comme pour mieux s’apprécier.
Dans le passage se trouve l’écueil des choses non dites, celles à moitié avouées, celles laissées libres d’exister. Le doute n’avance pas aussi rapidement que le passager ; mais son passage, si il annonce de mauvais présages, ne saurait contenter le passager. Il demande à son tour le temps de la raison, une folie pour un doute, un bien mauvais mal, et un éternel bon mauvais.
Mais si l’exile condamne, et si le temps emprisonne, qui est le passager ? Est-ce le passage ?
À tort ou à raison, on ne saurait répondre aux moindre des doutes qui subsistent : si le temps se prend, comment peut-il nous échapper ?