Alors peut-être que d’ici quelques mois je finirais aussi fort que si je m’étais entraîné des années il y a de ça quelques temps. Je pourrais aussi manger plus et je perdrais assurément plus de poids.
Si nous étions sur Mars, alors nous soulèverions des tonnes comme si il s’agissait de kilos, et je serais le plus fort astronaute qui n’ait jamais existé.
Si j’étais homme en 2096, alors je n’aurais qu’à commander des menus depuis mes lunettes, et j’aurais les nutriments dans le sang, pas besoin de manger.
Il ne suffira que de choisir un physique depuis un catalogue virtuel ; je m’allonge et voilà 5 minutes plus tard plus fort et j’aurais le même physique que le transhumain sur la photo.
Des jambes bioniques qui me permettraient de courir 5.456 fois plus vite que le guépard, des nano-structures se chargeraient de synthétiser en quelques micro-secondes des nouvelles protéines qui me conféreront la capacité de voir dans le noir et de ne pas ressentir le grand froid polaire. Et puis si cette vie je ne l’ai pas aujourd’hui, les futurs enfants de nos petits-enfants l’auront.
Mais si le temps passe trop vite, alors combien de temps faut-il pour accomplir ce que j’aurais pu accomplir plus jeune ? Peut-être moins. Et qu’est-ce que la force de l’âge sinon l’illusion d’avoir encore le temps de sentir que l’on puisse encore accomplir ce auquel ont avait toujours cru plus tôt.
Un claquement de doigt, nous voilà en 2014. Le passage du 99 au 00 inspirait le changement et le renouveau, mais ces dernières années subliment l’appareil d’un modèle de science-fiction.
J’imagine aussi l’Adam secret, venu sur terre fabriquer une machine et collecter les âmes devant êtres transportées dans le lieu secret duquel elles sont tout arrivées originellement. Il avait sans doute imaginé cette ère “2014-esque” portant les vestiges d’une civilisation dont ont ferait l’apologie. J’avais oublié de lui dire qu’on “like” plus qu’on discute de sujets profonds de sens avec ses proches, et que le sens de la vie se trouve au détour d’un Starbucks. De l’information électronique s’échange mais ce language alien manque en substance de sens véritable. Une information sous amphétamines qui se zappe et s’oublie, des couples qui divorcent en ligne et la vie de chacun exposée sur ce nouveau support 2.0, toujours plus pervers et froid.
Quel joli chat, et quelques likes plus tard, cette belle inconnue est maintenant ma nouvelle confidente. Information et des informations, encore et toujours qui traînent. “Je ne regarde pas la télé mOnsieur…je suis sur Internet” et je recois mon injection quotidienne de tout ce qui (ne) se passe (pas) dans ce drôle de monde. Animaux virtuels et relations déshumanisés, caste des followers érigée en nouveau dictat moderne pour jeune homme en mal de célébrité. 3 vidéos de lui en train de manger du piment cru, et le voilà sur l’autel de l’adulation. Quoi de plus normal ? Après tout, nous sommes en 2014.
Alors qu’on imaginait pour nous un futur fait d’ électronique et de graphène, porteur d’un nouvel espoir écologique et plus humain, on suit l’oiseau bleu mais on nous offre la gloire en prime.
En 2015 je regarderais 2000 et je rirais, parce que cette satané information me coûtait des heures de DVD, et maintenant, je trouve les clés USB ridicules. Je place mes espoirs et ma vie en ligne – stockage dans le Cloud et me voilà 10 minutes plus tard délocalisé et existant virtuellement – mes doigts deviennent une interface organique, passage de ce monde à l’autre, et mes yeux recoivent leurs gigaoctets d’informations instantanémenent.
Je suis paresseux et mes fantasmes se font et se défont en ligne, plus besoin de bouger du canapé pour la pizza et le choix de la personne qui va vous la livrer.
Prendre l’air ? …. je me marre. Je préfère télécharger la dernière série à la mode, le dernier jeu en ligne, la nouvelle curiosité sur Internet. Des algorithmes et des tests de personalité, des avatars sur des forums, et des bitcoins sur un marché virtuel.
Je suis content, tout semble toujours exister plus que ce que je n’aurais même pu imaginer. Mais comment est-il même possible que ce auquel je n’avais pas pensé existe ?
Et comment ce partage des idées puisse prendre forme dans ce monde aussi naturel qu’un bodybuilder professionnel ? Si le temps devenait Espace, j’aurais aussi l’impression que l’Histoire finirait par devenir une toile d’ araignée.
Et nous dans tout ça ? Le déclin des responsabilités, l’amenuisement de la conscience et la sensation que tout défile au rythme des possibilités sans limites de ce que ce présent-futur nous offre.
Douce lame d’un côté, piège à loup de l’autre, au grand dam de ceux qui n’y ont pas (encore) accès, on leur parlera de cette réalité bleue, ornée d’un gros pouce sur lequel cliquer semble agrémenter nos journées.
On se marre entre nous parce que tout est aussi toujours plus cocasse, un russe qui plonge dans un lac glacé, un asiatique qui porte un costume de pokémon pour aller travailler, en passant par cette journaliste qui se vomit dessus….au moins on aura bien ri encore une fois aujourd’hui.
Que le temps soit au deuil et au recueillement, alors on lance une vidéo d’une fille qui entends pour la première fois de sa vie. Merci, je me sens mieux.
J’ai dans les dossiers tout ce qu’il faut pour que mes humeurs et états d’esprits soient caréssées par de jolis articles ou de belles photos en ligne. Voyager ? haha.
Petit écran qui embellit ma petite chambre et sono qui me propulse en 3.4 secondes dans l’hyperespace amazonien. Culture à portée de main, connaissances sans limites et sans f(a)im.
Pizza du savoir Universel, en nouveau gnostique que je suis, ce Démiurge, je l’haine à en mourir “Je suis au monde, mais je ne suis pas de ce monde”. Et quand je me réconcilie avec lui, il devient alors ma Sora Mystica, et peu importe ce que j’y vois aux interstices, “traiter” mes emails sera toujours plus important qu’autre chose.
Francois Hollande a annoncé le décès tragique de son conseiller, la cause, je cite “le mail est arrivé dans les spams”. Combien de vies alors gâchées, qui existent sans même que l’on en prenne conscience ? Après tout, il est possible que l’Amour de votre vie n’ait pas votre page Facebook, mais j’espère qu’adresser une chanson espiscopalienne au ukulélé lui permette un jour de véritablement vous rencontrer.
Si elle ne le fait pas, rien ne vous empêche de passer vos journées à demander à la gitane qui a elle aussi une page Facebook de vous prédire l’avenir. Paypal ou CB ? Virement ou Bitcoins ? Les quatre mon bon monsieur.
Ah qu’il est beau ce monde ! Bien que parfois l’on puisse lire un jeune dégueuler son fiel parce qu’on lui a dit qu’il était moche, au moins on rira bien, avec tous ces mèmes qui traînent ça et là.
Suivre des discussions enflamées sans participer est aussi amusant que de parler de choses intelligentes à un imbécile : un véritable plaisir de fin gourmet.
Alors tout ça, bien que magnifique et pleins de chatons mignons portant des casques ou des lunettes, est-ce tout ?
Comment s’éduquer soi-même, comment éduquer son entourage ? Comment faire des choix et comment prendre la responsabilité de sa vie, quand je ne sais même plus ce qui s’impose comme une nécessité pour la conscience des Hommes ?
Comment s’épanouir et comment entrevoir une lumière nouvelle là où tout à un goût de réchauffé ? Ma vie en 2.0, nouvelles fonctionalités et nouveau design. Tu likes ou pas ?
Ce monde que l’homme a su bâtir, peut-il s’en targuer ? Et celà ne possède-t-il pas le drame, la joie, la biologie et le risque de la naissance ? Internet, nouveau berceau de l’Humanité, descente d’une réalité tangente vers un monde virtuel en trois dimensions ; Internet, nouvelle porte vers monde microphysique digital et design d’une interface homme-machine…et qu’est-ce qui nous sépare de l’homme préoccupé à comprendre comment de deux pierres émergent ce démon de lumière et de chaleur ; sinon des appareils toujours plus complexes nous propulsant a des milliers de km/h vers une information plus dense, plus riche et toujours plus complexe à dompter.
Sexisme et racisme ne m’intéressent plus, mon idéal se trouve sur la toile. Qu’est-ce qui me donne plus grand sens d’accomplissement que l’impression d’avoir compris ce qui nous incombe, sens inconditionnel et libération du poids de la responsabilité qui se découvrent au détour d’un simple clic sur une URL : Paypal ou Bitcoin ?
La vie n’est plus une danse, Internet devient le raccourci, mon propre microcosme en version stable sur SSD, et la renaissance d’un esprit gaïanique qui laisse entrevoir une future génération ancrée dans ce tout ce que nous avons déjà achevé.
Voilà ma vie, voila la tienne, voici la vie de milliards de personnes à travers le monde. Je ne les ai jamais rencontrées mais je sais aussi que trois choses nous unissent intimement : Internet, Facebook et une adresse Gmail.
Pour le reste… ‘Que la Fibre soit’… et la Fibre fût.